Читать книгу Bel-Ami / Милый друг онлайн

Il voulut, dès le jour suivant, en commencer l'exécution. Il fit à Mme Forestier une visite en éclaireur.

Il la trouva qui lisait un livre, étendue tout au long sur un canapé.

Elle lui tendit la main, sans bouger, tournant seulement la tête, et elle dit:

– Bonjour, Bel-Ami!

Il eut la sensation d'un soufflet reçu:

– Pourquoi m'appelez-vous ainsi?

Elle répondit en souriant:

– J'ai vu Mme de Marelle l'autre semaine, et j'ai su comment on vous avait baptisé chez elle.

Il se rassura devant l'air aimable de la jeune femme. Comment aurait-il pu craindre, d'ailleurs?

Elle reprit:

– Vous la gâtez! Quant à moi, on me vient voir quand on y pense, les trente-six du mois, ou peu s'en faut?

Il s'était assis près d'elle et il la regardait avec une curiosité nouvelle, une curiosité d'amateur qui bibelote. Elle était charmante, blonde d'un blond tendre et chaud, faite pour les caresses; et il pensa: «Elle est mieux que l'autre certainement.» Il ne doutait point du succès, il n'aurait qu'à allonger la main, lui semblait-il, et à la prendre, comme on cueille un fruit.

Il dit résolument:

– Je ne venais point vous voir parce que cela valait mieux.

Elle demanda, sans comprendre:

– Comment? Pourquoi?

– Pourquoi? Vous ne devinez pas?

– Non, pas du tout.

– Parce que je suis amoureux de vous… oh! un peu, rien qu'un peu… et que je ne veux pas le devenir tout à fait…

Elle ne parut ni étonnée, ni choquée, ni flattée; elle continuait à sourire du même sourire indifférent, et elle répondit avec tranquillité:

– Oh! vous pouvez venir tout de même. On n'est jamais amoureux de moi longtemps.

Il fut surpris du ton plus encore que des paroles, et il demanda:

– Pourquoi?

– Parce que c'est inutile et que je le fais comprendre tout de suite. Si vous m'aviez raconté plus tôt votre crainte je vous aurais rassuré et engagé au contraire à venir le plus possible.

Il s'écria, d'un ton pathétique:

– Avec ça qu'on peut commander aux sentiments!

Elle se tourna vers lui:

– Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayé du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui m'aiment d'amour, ou qui le prétendent, toute relation intime, parce qu'ils m'ennuient d'abord, et puis parce qu'ils me sont suspects comme un chien enragé qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusqu'à ce que leur maladie soit passée. Ne l'oubliez point. Je sais bien que chez vous l'amour n'est autre chose qu'une espèce d'appétit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espèce de… de… de communion des âmes qui n'entre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi l'esprit. Mais… regardez-moi bien en face…