Читать книгу Bel-Ami / Милый друг онлайн

Comme Duroy saluait Mme Forestier, elle le gronda fort de n'être pas revenu la voir; puis elle ajouta, avec un sourire, vers son amie:

– C'est ça, vous me préférez Mme de Marelle, vous trouvez bien le temps pour elle.

Puis on s'assit, et le maître d'hôtel ayant présenté à Forestier la carte des vins, Mme de Marelle s'écria:

– Donnez à ces messieurs ce qu'ils voudront; quant à nous, du champagne frappé, du meilleur, du champagne doux par exemple, rien autre chose.

Et l'homme étant sorti, elle annonça avec un rire excité:

– Je veux me pocharder ce soir, nous allons faire une noce, une vraie noce.

Forestier, qui paraissait n'avoir pas entendu, demanda:

– Cela ne vous ferait-il rien qu'on fermât la fenêtre? j'ai la poitrine un peu prise depuis quelques jours.

– Non, rien du tout.

Il alla donc pousser le battant resté entr'ouvert et il revint s'asseoir avec un visage rasséréné, tranquillisé.

Sa femme ne disait rien, paraissait absorbée; et, les yeux baissés vers la table, elle souriait aux verres, de ce sourire vague qui semblait promettre toujours pour ne jamais tenir.

Les huîtres d'Ostende furent apportées, mignonnes et grasses, semblables à de petites oreilles enfermées en des coquilles, et fondant entre le palais et la langue ainsi que des bonbons salés.

Puis, après le potage, on servit une truite rose comme de la chair de jeune fille; et les convives commencèrent à causer.

On parla d'abord d'un cancan qui courait les rues, l'histoire d'une femme du monde surprise, par un ami de son mari, soupant avec un prince étranger en cabinet particulier.

Forestier riait beaucoup de l'aventure; les deux femmes déclaraient que le bavard indiscret n'était qu'un goujat et qu'un lâche. Duroy fut de leur avis et proclama bien haut qu'un homme a le devoir d'apporter en ces sortes d'affaires, qu'il soit acteur, confident ou simple témoin, un silence de tombeau. Il ajouta:

– Comme la vie serait pleine de choses charmantes si nous pouvions compter sur la discrétion absolue les uns des autres. Ce qui arrête souvent, bien souvent, presque toujours les femmes, c'est la peur du secret dévoilé.