Читать книгу Bel-Ami / Милый друг онлайн

Avait-il peur? Peut-être? Mais il ne savait pas. Tout était changé autour de lui.

Jacques Rival revint et lui annonça tout bas avec satisfaction:

– Tout est prêt. La chance nous a favorisés pour les pistolets.

Voilà une chose qui était indifférente à Duroy.

On lui ôta son pardessus. Il se laissa faire. On tâta les poches de sa redingote pour s'assurer qu'il ne portait point de papiers ni de portefeuille protecteur.

Il répétait en lui-même, comme une prière: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras.»

Puis on l'amena jusqu'à une des cannes piquées en terre et on lui remit son pistolet. Alors il aperçut un homme debout, en face de lui, tout près, un petit homme ventru, chauve, qui portait des lunettes. C'était son adversaire.

Il le vit très bien, mais il ne pensait à rien qu'à ceci: «Quand on commandera feu, j'élèverai le bras et je tirerai.» Une voix résonna dans le grand silence de l'espace, une voix qui semblait venir de très loin, et elle demanda:

– Êtes-vous prêts, messieurs?

Georges cria:

– Oui!

Alors la même voix ordonna:

– Feu…

Il n'écouta rien de plus, il ne s'aperçut de rien, il ne se rendit compte de rien, il sentit seulement qu'il levait le bras en appuyant de toute sa force sur la gâchette.

Et il n'entendit rien.

Mais il vit aussitôt un peu de fumée au bout du canon de son pistolet; et comme l'homme en face de lui demeurait toujours debout, dans la même posture également, il aperçut aussi un autre petit nuage blanc qui s'envolait au-dessus de la tête de son adversaire.

Ils avaient tiré tous les deux. C'était fini.

Ses témoins et le médecin le touchaient, le palpaient, déboutonnaient ses vêtements en demandant avec anxiété:

– Vous n'êtes pas blessé?

Il répondit au hasard:

– Non, je ne crois pas.

Langremont, d'ailleurs, demeurait aussi intact que son ennemi, et Jacques Rival murmura d'un ton mécontent:

– Avec ce sacré pistolet, c'est toujours comme ça, on se rate ou on se tue. Quel sale instrument!

Duroy ne bougeait point, paralysé de surprise et de joie: «C'était fini!» Il fallut lui enlever son arme qu'il tenait toujours serrée dans sa main. Il lui semblait maintenant qu'il se serait battu contre l'univers entier. C'était fini. Quel bonheur! il se sentait brave tout à coup à provoquer n'importe qui.